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Présentation des sections

Plan schématique de l'exposition

Section 1.1

Un atelier familial

Portrait de la soeur d'Eugène Delâtre

Eugène Delâtre, Portrait de la sœur de l’artiste, crayon, 1890, Saint-Denis, Musée d'art et d'histoire Paul Eluard, inv. 71.0764 © I. Andréani

L’atelier d’imprimerie et de gravure des Delâtre est un lieu atypique. À leur arrivée dans l’atelier, les visiteurs traversent un petit couloir couvert de cadres contenant des photographies, dédicaces et lettres d’artistes. 

 

Dans l’atelier, les artistes font imprimer leurs œuvres sur les grandes presses. À proximité, les estampes sèchent après encrage tandis que les artistes discutent de leur travail, le modifient et l’améliorent jusqu’à obtenir l’épreuve parfaite.

 

Auguste est le fondateur de l’imprimerie Delâtre. Son fils commence très jeune à l’assister dans ses travaux. Sa réputation finit par égaler celle de son père. Le  père et le fils ne sont pas les seuls à œuvrer dans l’atelier. Ils sont accompagnés d’ouvriers aidant à la manipulation des presses, à la préparation des plaques, des pigments et du papier.

Les Delâtre peuvent également compter sur l’aide de leur famille proche : Pauline, la fille d’Eugène, ou encore Camille, son neveu. L’atelier Delâtre acquiert donc une renommée grâce au travail conjoint de toute une dynastie familiale.

Impressions sur les oeuvres

Retrouvez les podcasts liés aux œuvres de l'exposition, répartis en trois catégories :

 

  • Plongez dans le quotidien de l'atelier avec les podcasts Citations

  • Apprenez les secrets des Delâtre et de leurs œuvres avec les podcasts Anecdotes

  • Ecoutez les témoignages de nos intervenant.e.s dans les podcasts Invité.e.s

Citation 1 : Conférence d'Antoine Bourdat-Parménie devant la Société d'Histoire et d'Archéologie du Vieux Montartre, 1931

Par Clarisse

Citation 1
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"Beaucoup d'entre vous connaissent cet atelier. Pour ceux qui ne l'ont jamais visité, je vais essayer de le décrire [...] Le seuil de la porte franchie, on se trouve dans un étroit couloir, les murs à droite et à gauche disparaissent sous des portraits et des autographes encadrés, portraits d'artistes, d'écrivains, d'acteurs, tous clients ou amis de l'atelier. Certains de ces portraits gravés à l'eau-forte, sont très beaux ; les autres ne sont que des daguerréotypes ou de simples photographies. Quant aux autographes, billets, lettres, hommages d'admiration ou de sympathie, ils feraient le bonheur de bien des collectionneurs. [...] Mais ne nous attardons pas dans ce couloir ; pénétrons dans la pièce voisine, à droite. C'est le bureau. Cependant une grande presse mécanique en occupe presque toute la surface. Contre les murs, encore des portraits, encore des autographes [...] Revenons sur nos pas, descendons quelques marches. Nous sommes maintenant au milieu d'une salle assez vaste remplie de presses de toutes sortes, de toutes formes [...] Et partout des planches de cuivre, d'acier, de zinc, partout des rames de papier et des palettes d'ouvrier. Aux murs, quelques portraits [...] mais surtout des estampes et des tableaux [...] Deux petits réduits communiquent avec cette salle : dans l'un, on fait sécher, devant un grand poêle, les épreuves au sortir des presses ; dans l'autre, sur une table de marbre, on broie les couleurs."

Citation 2 : Portrait gravé d'Auguste - le caractère des Delâtre

Par Mathilde, Thomas, Mina et Christophe

Citation 2
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Lorsque l'on se penche sur les témoignages des amis d'Auguste et Eugène, écrits dans la presse, dans des lettres, sur des dédicaces, l'on découvre deux êtres passionnés par leur art et leur métier. Plus encore, l'on découvre deux personnalités atypiques, généreuses et amicales : Emile Langlade (Thomas): "le petit père Delâtre,- ainsi l’appelaient ceux qui l’ont connu, - fut, en même temps qu’un artisan de génie, un artiste minutieux, d’imagination puissante et de surprenante mémoire visuelle, un être enthousiaste, désintéressé qui avait trop foi en la vie pour prévoir et calculer [...] / François de Hérain dans la revue Rolet (Mina) : revue indépendante "il était un tout petit vieillard très pittoresque : nous allions le retrouver dans son jardin de la rue de Norvins, en haut de Montmartre, tout près du fameux Moulin, mais aussi de la Basilique, ironiquement appelée par Delâtre “Notre-Dame de la galette.” Paul Yaki (Christophe) : "On s’installait avec Eugène Delâtre, qui représentait pour nous, par sa bonhomie, ses vêtements de velours à côtes et son grand chapeau, le symbole même de ce vieux Montmartre auquel nous sommes si attachés" Pierrette Larchant dans la revue 10 (Mathilde) : "et l'enchanteur est là, tout simple, assis jambes croisées sur sa grande table de bois blanc à traitaux, encombrée de paperasses géniales. Oui, tout simple, comme tous ceux qui savent que leur art suffit à les grandir, sans que pour cela ils se mettent en avant."

Citation 3 : Edmond et Jules de Goncourt, Journal des Goncourt : Mémoires de la vie littéraire, tome premier : 1851-1861, année 1859

Par Maëlle

Citation 3
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“17 février. — Je suis dans une pièce au rez-de-chaussée, où deux fenêtres sans rideaux versent un jour cru, et laissent voir un jardinet pelé, aux arbustes maigres. Devant moi une grande roue, et sur la roue le bras nu d’un homme, la manche relevée ; à côté, le dos d’un autre homme en blouse grise, encrant et chargeant une planche de cuivre sur la boîte, l’essuyant avec la paume de sa main, la tamponnant avec de la gaze, la bordant et la margeant avec du blanc d’Espagne ; aux murs deux caricatures au fusain attachées par des épingles ; dans un coin un vieux coucou qui semble respirer bruyamment chaque seconde de l’heure ; au fond, au milieu de grands cartons debout sur deux rayons, un poêle en fonte, au pied duquel est aplati un chien noir dormant et ronflant. Et, à tout moment, les carreaux tintent, et trois enfants joufflus, comme des derrières d’anges, collent leurs visages aux vitres, et, à tout moment, la porte s’ouvre et les trois enfants roulent dans les jambes de l’homme qui prépare la planche, et ressortent.) Et moi, sur ma chaise, j’attends avec l’émotion d’un père qui attend un héritier ou rien. C’est ma première eau-forte que je fais tirer chez Delâtre : le portrait d’Augustin de Saint-Aubin… Oui, voilà plusieurs jours que nous sommes plongés dans l’eau-forte, mais jusqu’au cou et même par-dessus la tête. Particularité étrange, rien ne nous a pris dans la vie comme ces choses : autrefois le dessin, aujourd’hui l’eau-forte. Jamais les travaux de l’imagination n’ont eu pour nous cet empoignement, qui fait absolument oublier non seulement les heures, mais encore les ennuis de la vie, et tout au monde. Jamais peut-être, en aucune situation de notre vie, autant de désir, d’impatience, de fureur d’être au lendemain, à la réussite ou à la catastrophe du tirage.

Anecdote 1 : Le jeu sur l'ombre et la lumière chez Eugène Delâtre

Par Mina

Anectode 1
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La recherche sur l’ombre et la lumière imprègne l’œuvre d’Eugène Delâtre. Ce travail lui permet de donner l’impression d’une proximité ou d’un éloignement avec le sujet représenté, et de jouer ainsi sur les effets de perspective. Regardez l’eau forte Etretat : la source lumineuse est ici la lune qui se reflète sur les flots de la mer agitée. Ce contraste entre les tons de noirs et la blancheur de la lumière est rendu possible par un encrage abondant. Ce contraste est renforcé par un contraste de texture : on sent tantôt la rugosité de la pierre de la falaise, tantôt la fluidité de l’eau. C’est cette fois le procédé de l’aquatinte qui est à l’origine de tels effets de matière, en fonction de la grosseur ou de la finesse de ses grains. La puissance des différents éléments de la nature est ainsi évoquée, et la scène dramatisée.

Anecdote 2 : La régie d'exposition

Par Christophe

Anecdote 2
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Le moins que l'on puisse dire c'est que cet objet ne passe pas inaperçu ! Le transport de la presse depuis la réserve quelques mêtres plus loin a nécessité l'intervention de cinq déménageurs. Et une fois installée, impossible de la bouger à nouveau. Il s'agissait alors de ne pas se tromper ! Un petit coup de chiffon et la voilà prête à être présentée. Cette pièce authentique de l'atelier des Delâtre ne pouvait pas rester cachée !

Anecdote 3 : La culture des images : affiches, publicités, lithographies

Par Valentine et Thomas

Anecdote 3
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Au XIXe siècle, certaines innovations techniques et la baisse des coûts de production liés à l'imprimerie permettent la démocratisation des images. La lithographie, une technique de reproduction qui consiste à imprimer sur papier un dessin préalablement tracé sur une pierre, permet de créer des affiches très colorées diffusées auprès des classes populaires. Ces affiches sont souvent dessinées par des artistes de renoms, tels que Jules Chéret ou Alfons Mucha. Magazines, publicités, affiches gagnent ainsi les rues et les foyers, donnant naissance à une culture de masse. La vivacité des couleurs de ces images pousse les aquafortistes à se renouveler : c'est ainsi qu'Eugène Delâtre développe l'eau-forte en couleurs. Auguste raconte comment son fils procédait : "Dans l'eau-forte en couleurs, le rôle de l'imprimeur est encore plus important. Généralement l'artiste nous apporte une peinture à l'huile ou une aquarelle qui doit nous indiquer les couleurs. Naturellement il apporte également le cuivre, mais sur ce cuivre, il n'y a que le dessin. Mais une eau-forte en couleurs est tout à fait autre chose qu'une peinture à l'huile ou qu'une aquarelle: En imprimant, les couleurs sont tellement rentrées dans le papier qu'elles prennent des valeurs tout autre qu'elles n'ont pas dans la peinture à l'huile ou dans l'aquarelle où elles ne sont que superficielles. La transparence aussi bien que la profondeur sont tout à fait changées. On ne peut pas faire une eau-forte en couleurs qui n'ait tout à fait l'aspect d'une peinture à l'huile ou d'une aquarelle. Chaque technique a ses qualités et ses défauts. Avec l'eau-forte en couleurs, on peut obtenir des effets que, ni la peinture à l'huile, ni l'aquarelle ne peuvent donner. De même ces deux techniques ont des ressources que n'a pas l'eau-forte."

Invitée 1 : Expériences artisanales et expertise artistique

Par Izanna MULDER

Invitée 1
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Je m’appelle Izanna Mulder et j’écris une thèse pour l’Université d’Amsterdam sur l’atelier des Delâtre, dont le titre en français est “expériences artisanales et expertise artistique”. Ce que je trouve intéressant dans l’atelier des Delâtre, c’est qu’il montre clairement la friction entre l’art et l’artisanat. Au XIXe siècle, et aujourd’hui toujours je pense, il existe une division entre l’artisan, qui travaille avec ses mains, en suivant un ensemble de règles sans réfléchir ; et l’artiste, qui a des idées, qui utilise sa tête. Ce contraste entre la tête et la main devient intéressant dans un lieu où on ne sait pas très bien ce qui a été fait avec la tête et ce qui a été fait avec les mains, et où la distinction entre l’art et l’artisanat est floue. Un lieu comme l’atelier des Delâtre. Lorsqu’Auguste Delâtre ouvre son atelier, c’est le début de la renaissance de l’eau-forte. Les artistes s’intéressent de plus en au processus de la création l’eau-forte, gravant eux-mêmes leurs estampes et étant souvent présents lors de l’impression. . Donc l’artisanat, la partie matérielle, la partie des mains, devient de plus en plus importante pour l’artiste. On pourrait penser que le rôle des Delâtre diminue à cause de ça, mais au contraire. Les Delâtre commencent à donner aux artistes de plus en plus de conseils sur l’impression, notamment grâce au manuel de gravure écrit par Auguste Delâtre. Des leçons particulières sont données dans l’atelier où sont aussi vendues des presses. Avec la technique de la couleur à la poupée utilisée par les Delâtre, le rôle de l’imprimeur, qui colore la plaque avec différentes couleurs, devient encore plus important. Un critique d’art qui parle de l’atelier dit que les impressions en couleur des visiteurs de l’atelier étaient toutes très spéciales, mais que parce qu’elles étaient toutes imprimées par Delâtre, elles avaient toutes un peu le même caractère, le caractère de l’atelier des Delâtre. Donc, quand l’artiste devient un peu l’artisan, l’artisan devient de plus en plus artiste. Et je pense que si l’on ne connaît pas le processus d’impression des eaux-fortes et si on ne sait pas exactement ce qui s’est passé dans l’atelier, on ne peut pas vraiment comprendre ces estampes. Sur certaines d’entre elles, on peut voir les dédicaces, dans lesquelles les artistes nomment Delâtre leur collaborateur. La collaboration entre l’artiste et l’imprimeur était essentielle. L'atelier des Delâtre ne montre pas vraiment la friction entre l’art et l’artisanat, entre l’artiste et l’artisan, mais plutôt le lien entre les deux. Le processus artistique par lequel l’artiste devient artisan, et l’artisan devient artiste, est une façon de surmonter cette friction.

Invité 2 : Camille QUESNEVILLE

Par Hadi QUESNEVILLE

Invité 2
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Audiodescriptions

Retrouvez ici les audiodescriptions du dispositif tactile

Audiodescription 1 : Des épreuves...

Par Jeanne

Des épreuves...
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Les deux œuvres exposées en face de vous sont très similaires. Vous trouverez leurs interprétations tactiles sur ce meuble, à gauche. Ce sont deux estampes, créées en 1875 par Auguste Delâtre. Une estampe est une image réalisée à l’aide d’un motif gravé sur une plaque généralement en bois ou en cuivre, la matrice, puis imprimée sur du papier grâce à une presse. Il existe de nombreuses techniques de l’estampe, avec différents outils et matériaux, qui permettent de créer des effets variés. Auguste Delâtre est surtout connu pour ses eaux-fortes. Dans cette technique de gravure, on se sert d’un vernis et d’un acide pour creuser la plaque de cuivre. Pour ces deux estampes, Auguste Delâtre utilise également la pointe-sèche : la plaque est directement gravée avec une pointe en métal. Ces deux œuvres sont intitulées Cerfs au bord de l’eau. Elles font presque la taille d’une feuille A3, dans un format horizontal. Ce sont des estampes en noir et blanc, sans couleur. Et comme nous allons le découvrir ensemble, leurs ressemblances ne s’arrêtent pas là ! Commençons par la première estampe, dont l’interprétation tactile se trouve au-dessus. Dans cette image, deux cerfs sont au bord d’un lac entouré d’arbres. Au premier plan, les arbres occupent toute la partie droite de l’image. Il y en a deux sur l’interprétation tactile et trois sur l'œuvre. Le tronc du premier arbre, le plus imposant, commence dans le coin en bas à droite de l’estampe. Il est droit, et légèrement penché vers la droite. Cela le fait sortir du cadre de la scène représentée et permet d’ouvrir l’image. À mi-hauteur, des branches naissent de son tronc, et s’étendent vers la gauche. Elles vont jusqu’au centre de l’estampe, où elles se mêlent aux branches du second arbre, ici rendu dans un relief plus bas. Dans l’estampe, le troisième arbre, qui n’est pas représenté ici, crée encore plus de densité dans le motif. Les branches des arbres sont nues, elles n’ont aucune feuille. On s’imagine alors en hiver, ou à la fin de l’automne, dans un paysage froid et calme. En descendant sous les branches, au milieu de l’image, vous trouverez deux silhouettes. Ce sont des animaux : deux cerfs côte à côte. Leurs longs bois rappellent les branches des arbres. Ils sont représentés de dos. Cela donne l’impression de les observer sans qu’ils aient conscience de notre présence et installe une ambiance paisible dans l’image. Les cerfs sont devant un lac, représenté tactilement par des vaguelettes. Leurs formes noires se détachent du lac, très clair au centre. De l’autre côté, légèrement au-dessus des cerfs, la berge d’en face apparaît. Elle est bordée d’une forêt, qui s’étend sur le tiers gauche de l’estampe. Contrairement aux arbres du premier plan qui sont individualisés, ceux de la forêt se fondent en une masse compacte. On arrive tout de même à reconnaître les mêmes branches, nues. Le ciel s’étend sur tout l’arrière-plan. Au centre, au milieu des branches des arbres du premier-plan, on trouve une forme circulaire. Il s’agit certainement du soleil, qui illumine l’ensemble de l’estampe. Sa lumière se reflète au centre du lac. Dans l’œuvre d’Auguste Delâtre, l’astre est en partie caché par des nuages. Ils sont rendus par de grandes stries horizontales plus ou moins rapprochées, sur toute la longueur de l’estampe. Ces nuages finissent par créer une ambiance mystérieuse dans un paysage qui pourrait être un lever ou un coucher de soleil. Voire un paysage nocturne éclairé par la lune, l’absence de couleur laissant libre court à l’imagination… Maintenant, intéressons-nous à la seconde œuvre. Son interprétation tactile se trouve en dessous de celle que vous venez de découvrir. Vous pouvez la parcourir de la même façon que la première œuvre. Vous retrouvez l’arbre au premier plan à droite. Son tronc est légèrement penché, ses longues branches nues se mêlent à celles du second arbre. Vous retrouverez aussi les deux cerfs, dans la même position, en face du lac. De l’autre côté, la même berge avec la frondaison d’arbres. Et enfin, le soleil, au centre de l’estampe. Avez-vous perçu une différence ? En comparant les deux interprétations tactiles, vous remarquerez que le relief de celle du bas est plus important que dans celle du haut. Dans l’estampe, cela correspond à l’intensité de l’encre noire utilisée. Il s’agit de deux œuvres avec des motifs similaires, et toutes les deux en noir et blanc. Mais, sur la seconde, le noir de l’encre est plus profond, et s’étend sur des surfaces plus larges. La sensation qui ressort de l’estampe est différente. D’une ambiance calme, mystérieuse et plus froide dans la première, on arrive à un paysage où la lumière est plus franche, renforçant l’effet de contre-jour avec des ombres plus sombres et plus marquées. On imagine un soleil qui brille plus fort dans le ciel. Il s’agit donc de deux épreuves d’une même série. Chaque impression d’une estampe s’appelle une épreuve. La matrice (plaque sur laquelle est gravé le motif) est utilisée à plusieurs reprises. Il existe donc de nombreuses épreuves d’une même estampe. À partir d’une matrice identique l’imprimeur parvient à créer deux images différentes en variant les tons, grâce à son travail d’encrage de la plaque. En théorie, une estampe est multipliable à l’identique, mais en réalité, chaque épreuve est unique !

Audiodescription 2 : ...et des états

Par Jeanne

...et des états
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Deux œuvres intitulées Le Vieux porche sont exposées devant vous. Leurs interprétations tactiles sont accessibles vers le centre du meuble. Ce sont deux estampes créées par Eugène Delâtre. Il est le fils du graveur et imprimeur Auguste Delâtre, et lui-même artiste. Une estampe est une image réalisée à l’aide d’un motif gravé sur une plaque généralement en bois ou en cuivre, la matrice, puis imprimé sur du papier grâce à une presse. Il existe de nombreuses techniques de l’estampe, avec différents outils et matériaux, qui permettent de créer des effets variés. Eugène Delâtre est notamment connu pour les innovations qu’il a apportées à l’eau-forte en couleur au début du 20e siècle. Ces deux œuvres, qui sont légèrement plus grandes qu’une feuille A3 à l’horizontal, ont été réalisées à l’eau-forte et à l’aquatinte. Ces deux techniques de gravure sont souvent travaillées ensemble. Elles impliquent l’utilisation de vernis et d’acide pour graver la plaque. L’une des deux estampes est en couleur, alors que l’autre est en noir et blanc. La première estampe, en haut sur le meuble, est celle en noir et blanc. Elle représente un porche en ruines, dont il ne reste que les structures arquées de trois portes. Dans le coin en bas à gauche de l’image, ainsi que dans une grande partie du bas de l’estampe, Eugène Delâtre a représenté une prairie. La scène s’inscrit dans le cadre d’une nature modifiée par l’homme. En longeant la bordure gauche, vous rencontrez un motif fait de deux lignes parallèles. Il s’agit d’un arbre. En remontant le long de ces lignes, vous suivez son tronc fin, et ses fines branches garnies de longues aiguilles, auxquelles Eugène Delâtre parvient à donner un aspect réaliste grâce aux traits rapides et libres que permet la technique de l’eau-forte. Dans l’estampe originale, il y a également une barrière devant l’arbre, qui n’est pas représentée sur l’interprétation tactile. Ces branches s’étendent vers la droite. Elles frôlent le vieux porche qui est l’élément central de l’estampe. Il est composé de trois arcs. Le premier est à gauche, en redescendant le long de la structure en pierre. Le second, plus haut et plus large, est au centre de l’image. Il est traversé par un sentier de terre qui coupe la prairie en deux parties. Enfin, le troisième arc est dans la continuité, à droite. Il est aussi de plus petites dimensions. Ce porche est en ruines : seule la structure en pierres, représentées par les formes rectangulaires et irrégulières, et les briques, qui ressortent par la trame, est encore debout. Comme pour les branches, Eugène Delâtre parvient à ajouter des détails seulement grâce aux traits noirs. À droite du porche, les feuilles d’un arbre ferment l’image et créent un cadre qui met en valeur le motif central. Derrière le porche, l’estampe est vide : il n’y a pas d’arrière-plan. Le porche est mis à distance du spectateur grâce à l’espace de la prairie et du sentier. Mais l’absence d’arrière-plan donne l’impression d’un objet très frontal. En réalité, cette œuvre n’est pas terminée ! Il s’agit d’un « état en cours de travail ». C’est-à-dire que le graveur a fait le tirage de cette estampe à partir d’une matrice, plaque sur laquelle est gravé le motif, qu’il était encore en train de graver. Cela lui permet de vérifier le rendu de son travail à certaines étapes. Il continue ensuite à travailler sur la même matrice. Après chaque modification de la plaque, le tirage réalisé est appelé un état. Chaque état est différent des précédents. La seconde estampe, en-dessous de celle que nous venons de parcourir, est l’état final de cette œuvre. On y retrouve donc le même motif du vieux porche, des arbres et de la grille. Entre les deux tirages, le graveur a apporté plusieurs changements. Vous pouvez parcourir l’interprétation tactile en suivant le même chemin que pour la première estampe. On retrouve le sentier et la prairie dans la partie basse. À gauche de l’image, l’arbre avec ses fines branches et ses longues aiguilles. Le porche est identique, avec ses trois arcs, un plus imposant au centre et deux de dimensions plus réduites sur les côtés. Comme dans le premier état, des feuillages ferment le cadre de l’image à droite. Avez-vous senti des différences en parcourant l’interprétation tactile de cette estampe ? Promenez vos doigts entre les arcs. Entre l’état en cours de travail et cet état final, Eugène Delâtre a ajouté un arrière-plan qui complète l’œuvre. Le porche s’inscrit dans un paysage côtier, devant une baie. Sous l’arc à gauche, il représente la mer, ici rendue par un motif de vaguelettes. Elle s’étend aussi sous l’arc central, au milieu de l’image. Là, on remarque un bateau, rendu ici par la forme d’une barque, et au-dessus, un cercle qui représente le soleil. Plus vers la droite, toujours sous l’arc central, Eugène Delâtre a ajouté le motif de la côte et son relief. Sous le troisième arc, à droite, il dessine les arbres qui s’étendent le long de cette côte. Avec le paysage dans l’arrière-plan, Eugène Delâtre parvient à créer de la profondeur dans son estampe. La mer et la côte semblent lointaines par leurs proportions, et aussi par la différence de traitement. Les traits sont plus fins que pour le porche du premier-plan, et le graveur utilise la technique de l’aquatinte qui permet de créer des effets d’ombrage plus diffus. À cela s’ajoute la couleur, dans des tons verts et jaunes, qui participe à la création de l’atmosphère bucolique et romantique du paysage qui fait écho au thème de la ruine. La comparaison de ces deux états permet donc de comprendre le processus de travail du graveur, et aussi d’interroger les critères de l’originalité de l’œuvre d’art : souvent, c’est son unicité qui fait sa valeur ; pourtant, c’est parfois par le travail en série que l’artiste exprime toute sa créativité.

Audiodescription 3 : À vos matrices !

Par Jeanne

À vos matrices
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Maintenant, c’est à vous de composer votre propre matrice ! Cette activité est composée de plusieurs éléments. À gauche, vers le bord du meuble, vous trouverez dix pièces aimantées représentant différents motifs : un coq, un âne, un pin, une chaumière, un château en ruines, un pont, des nuages, un personnage avec un chat et un moulin. À droite, vous trouverez une surface aimantée avec la trame d’un paysage. Des feuilles A4 et des crayons de papier sont également posés sur le meuble. Pour commencer, choisissez les pièces aimantées que vous préférez. Vous pouvez les disposer sur la surface aimantée pour créer votre matrice. N’hésitez pas à expérimenter, à changer les motifs et leurs positions ! Quand vous êtes satisfait de votre matrice, prenez une feuille A4, et placez-la par-dessus. Saisissez un crayon, et coloriez votre feuille : cela fera apparaître les motifs ! Vous pouvez faire d’autres états et épreuves de votre estampe si vous en avez envie.

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